Lazarus - King's Cross Theatre - London - 20/12/2016

Depuis le 25 octobre et jusqu'au 22 janvier, LAZARUS se tient au King's Cross Theatre de Londres. Sa première avait eu lieu à New York, le 7 décembre 2015, un mois avant la mort de David Bowie. Il ne faut pas imaginer que Bowie était dans l'autocélébration. Il a créé jusqu'au bout. Son œuvre est éternelle mais le répertoire de Lazarus repose surtout sur ses chansons récentes. Les classiques intemporels et superbement réarrangés, Heroes, Changes, Life on Mars? s'inscrivent très bien dans cette histoire, librement adaptée de The Man Who Fell To Earth. Dans le film, David Bowie, qui tient le rôle principal, est un alien à visage humain. Il rencontre Mary Lou qui lui apprend la vie sur terre dans tous ses travers. Michael C. Hall (sur scène un bon quart d'heure pendant que les spectateurs s'installent) joue ce Mr. Newton. Dans cette nouvelle version, il ne se remet pas du départ de son amour Mary Lou. Il est accro.


Les personnages se succèdent comme autant d'habitants qui secouent son esprit torturé. Celui que le grand public connaît pour la série Dexter ne quitte jamais la scène et vit physiquement ces troubles qui lui tordent le corps. On voit parfaitement. Ce théâtre a ouvert il y a deux ans quasiment jour pour jour. Il est moderne. Il n'y a pas de balcon et le parterre est très bien incliné pour que, de rangs plus éloignés, la visibilité soit excellente ainsi que l'acoustique. Il rappelle les formidables salles d'Edinburgh. C'est dans cette ville que nous avions découvert le travail respectif d'Enda Walsh (coauteur) et Ivo Van Hove (metteur en scène). On reconnaît aisément leur patte. Les rassembler sur un même projet tombe sous le sens. David Bowie l'a fait. On retrouve une ambiance digne d'un film de David Lynch avec des triangles amoureux étranges. Les couples se déchirent comme dans The Last Hotel, jusqu'au sang. Avec son équipe fidèle, Van Hove joue sur l'illusion. La scène est épurée, rappelant aussi Soeurs, de Mouawad. L'utilisation de l'écran au milieu de la pièce de ce qui peut être un huit-clos hallucinatoire est remarquable. Les projections peuvent aussi s'étendre à l'ensemble du tableau. Les musiciens sont visibles derrière une vitre qui les sépare des comédiens quand des rideaux ne sont pas tirés. A l'exception du batteur, dans sa cage de verre mais caché par le mur central, les musiciens sont visibles, très appliqués mais vivant aussi le moment. Les acteurs jouent avec l'écran comme avec un miroir d'où ils sortent et entrent. Leur double s'imagine puis se concrétise. Valentine est celui qui brise les rêves, visuellement proche de Ramsay Bolton. Une caméra placée également au dessus d'eux donne une tout autre dimension aux formes tracées au sol. La fusée est là, prête à décoller. Michael C. Hall est très expressif. La dernière scène est, dans ce sens, absolument magnifique. On baigne donc dans l'irréel. Pourtant, le public du West End peut s'y retrouver avec quelques blagues bien senties, une interaction entre acteurs masculins et féminins assez typiques des spectacles londoniens et des voix. Lazarus intercale des scènes jouées à des interprétations musicales de haute volée. Les rôles féminins sont plus traditionnels des "musicals". Amy Lennox a joué par exemple dans Kinky Boots sur la musique de Cindy Lauper. Sophia Anne Caruso a 15 ans et envoie incroyablement. Elle a les défauts de ses qualités. Ses notes aiguës partent dans les étoiles ce qui peut ne pas plaire mais quand elle recherche la justesse fragile, les notes sont d'une pureté rare (This is not America, No Plan ou le sublime duo final sur Heroes). Elle nous fait penser à Maddie Ziegler dans sa spécialité. Michael C. Hall est loin d'être un débutant. Il a déjà accompli une belle carrière à Broadway avec Hedwig and the Angry Inch. Il a une voix qui ne cherche pas à imiter. Il brille sur Absolute Beginners, a cappella, un bluffant Where Are We Now ? (qui nous replonge, images à l'appui, dans le Berlin de la Guerre Froide) ou le très puissant Killing a Little Time. Le public ne se trompe pas. Il applaudit vivement la troupe. Il n'y a pas de rappel à rallonge des acteurs. Ils se retournent, les mains tendues, vers le portrait de David Bowie qui est apparu derrière eux. Tout est dit.

  



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