Le Voyage à Nantes 2015

Nantes nous invite depuis plusieurs étés au voyage artistique. En 2015, il est sous le signe de l'Asie. La Hab Galerie, située dans le Hangar à bananes, continue son sans faute en confiant les lieux à l'artiste japonais Taturo Atzu. Il propose un Solo Group Show, s'appelant sous différents noms (Tatzu Nishi, Tazu Rous, Tatzu Oozu, Tatsurou Bashi, Tazro Niscino). Les Nantais ont forcément le souvenir d'une de ses œuvres. Dans le cadre d'Estuaire 2007, le papa du Voyage à Nantes, il avait recouvert la fontaine Place Royale d'un hôtel éphémère. Extérieurement, il ne payait pas de mine mais à l'intérieur avait été aménagée une chambre avec en son centre le sommet de la statue d'Amphitrite. On retrouve quelques photos de cette installation sur un mur couvert des clichés de ses projets réalisés sur le même thème dans le monde entier : Cologne en 1997, Brême en 1998, Dortmund en 1999, Liverpool et Bâle en 2002, Dublin en 2004, Gent en 2005 et 2012, Tokyo en 2006, Medellín en 2007, Hambourg, Sydney, Bogota et Cordemais (!) en 2009, Heroé au Guatemala en 2010, Singapour en 2011, New York en 2012 ou encore Helsinki en 2014. Vous notez qu'il avait commencé en Allemagne. Issu de l'école des Beaux-Arts de Düsseldorf, il fut déçu de la fréquentation de sa première expo en galerie et décida d'investir l'espace public. 

L'idée est génialement originale et on retrouve deux œuvres dans cet esprit à l'intérieur de la Hab Galerie. Bonjour bébé rassemble une famille de statues dans la chambre du domicile. Des tuyaux rejoignent une autre pièce où l'on accède par escalier. Je vous laisse découvrir ci-dessous ce qu'il a appelé Trois endroits pour reconnaître un adulte indépendant.

Un film est projeté où on le voit raconter avec un air amusé la genèse et réalisation de ses projets. Ses autres créations occupent l'espace du lieu d'exposition nantais qui sait vraiment faire les bons choix.

L'événement aurait pu être Asie Riderz. Après la Villa Ocupada et les artistes sud-américains l'an passé, Pick Up Production et Kazy Usclef ont invité cette fois-ci des artistes asiatiques à décorer une péniche baignant dans le canal St Félix. Ce projet, seconde étape de ce qui est présenté comme une trilogie, est intéressant mais ne fait pas une si forte impression que l'an passé (ici). C'est un Lillois, Grolou, qui a réalisé l'imposante sculpture de Shisa, mi chien, mi lion, qui scrute l'arrivée des visiteurs depuis le Lieu Unique et dans l'autre sens vers l'entrée de la péniche dont l'extérieur fut peint par le duo Japonais Doppel. Puis, nous faisons face à une création d'une autre Française Marion Jdanoff, originaire de Nantes, au milieu de la première salle et sur le premier mur de la seconde. Kazy Usclef reste aussi dans le domaine du tribal, de la créature en dessinant un masque géant sur une coque de bateau amenée dans la péniche. Le travail in situ est moins marquant que pour la Villa Ocupada.

Sinon, Kazy Usclef a voyagé en Asie plusieurs mois pour rencontrer des artistes locaux qui l'ont donc rejoint dans le projet. La vidéo d'animation de Sun Xun n'est pas captivante contrairement aux deux fresques qui se font face. Les jumelles Eru et Emu Arizono jouent sur les transparences et la subtilité là où Katsumata nous envoie plein de couleurs dans les yeux sans que l'on s'intéresse plus que ça au message.

En un coup d’œil, nous comprenons que le trait de la peinture qui couvre l'arrière de la péniche nous vient d'Inde. Priyesh Trivedi nous donne sa version du "fétichisme de la consommation". Ok... et on se demande vraiment ce que fait cette table d'écolier taguée de messages insultant les enseignants.. Faussement provoc'.

Sinon, présentées comme des "travaux collectifs" sur la brochure, on aime bien les peintures faites sur les fenêtres de la péniche comme les œuvres de Fefe Talavera l'an passé à la Villa Ocupada (détruite début août).

Sinon, à deux pas de la péniche, le Lieu Unique abrite une exposition assez impressionnante sur l'histoire des jeux vidéos. Supportée par le CNAM, Ultima propose galerie de consoles pour les geeks nostalgiques, chronologie précise et surtout moult écrans qui détournent les jeux les plus connus.

Enfin bon, le Voyage à Nantes propose chaque année des idées nouvelles et invite des artistes dans des lieux emblématiques de la ville. Aurélien Bory réalise une installation vraiment réussie dans le théâtre Graslin. Pour Spectacula, des leds ont été installées au niveau des sièges. Nous entrons par une porte de coulisses et marchons sur la scène. Face à nous, les fauteuils s'allument puis s'éteignent au fil de quinze séquences différentes. Cours Cambronne, Aymeric Caulay réalise une structure qui fait le lien entre la matière et l'outil nécessaire pour l'extraire. Enfin, place Bouffay, Baptiste Debombourg créent des ellipses de chaises comme suspendues dans les airs (Stellar).