Le Sel de la Terre

Notre "rencontre" avec Sebastiao Salgado a eu lieu l'an passé. Juste avant de découvrir David Bowie is, nos pas nous menaient vers le Natural History Museum de Londres et ainsi s'extasier devant Genesis, le dernier grand projet en date de l'artiste brésilien. Vous pouvez lire l'article sur cette exposition ici. Ce mois d'octobre sort dans les salles un film documentaire retraçant la carrière du photographe, sous la houlette de son fils et de son ami Wim Wenders. Le montage use souvent d'un mode diaporama entrecoupé d'interviews ou reportages filmés. En 1969, Salgado avait quitté la dictature brésilienne pour la France. Il parle ainsi couramment le français et est le commentateur, narrateur de sa propre œuvre. Win Wenders et Juliano Salgado interviennent aussi parfois, en français également. La Maison Européenne de la Photographie, qui a aussi hébergé Genesis, est le principal partenaire de ce documentaire. Sur un des clichés, on voit Juliano enfant, une figurine de superhéros à la main tel une métaphore de l'admiration pour un père très souvent absent. En effet, Sebastiao Salgado parcourt le monde depuis les années 70. Il retourna d'abord en Amérique latine pour suivre des populations autochtones. Il fut, ensuite, témoin des terribles famines du Sahel. Certaines images de ces deux séries sont vraiment très dures. Les enterrements d'enfants les yeux ouverts car ils sont morts avant d'être baptisés et doivent trouver le chemin dans le limbo, eux qui n'ont pas droit au paradis. Les corps squelettiques d'autres enfants africains qui meurent aussi les yeux ouverts. Wim Wenders a choisi d'insister sur certaines images. Son cycle La Main de l'Homme lui assura une reconnaissance internationale de photographe social. L'introduction du film revient d'ailleurs sur les images emblématiques de son œuvre : ces scènes d'un autre âge dans les mines d'or de Serra Pellada au Brésil. Salgado apparaît lui aussi comme un survivant, échappant aux maladies infectieuses, aux animaux sauvages. Une surdité partielle est par contre due au temps passé autour des puits de pétrole du Koweït en 1991 qui explosaient après le sabotage des Irakiens en déroute. On comprend vite que son appareil photo est le prolongement de lui-même et qu'il était aussi obsédé par l'idée d'être le premier à témoigner des catastrophes. Il courait alors pour échapper aux tirs visant les migrants rwandais fuyant le génocide. Cet homme a parcouru des centaines de kilomètres de routes jonchées de cadavres en Afrique mais aussi en Bosnie.. Ces documents visuels sur fond de commentaire posé mais touchant font écho à  Nuit et Brouillard. L'âme de Salgado était vide au début du XXIe siècle. Avec sa femme, son binôme de toujours, il décide de changer de sujet, de s'intéresser à la nature. Mais il ne se pose pas en victime. De retour dans leur ferme familiale au Brésil, il replante deux millions d'arbres. Le résultat est saisissant dans ce qui est aujourd'hui un parc naturel. Contrairement à Arthus-Bertrand ou Burtynsky, il préfère montrer les terres du globe qui ont gardé leur beauté d'origine, celle de la Genèse. Encore une fois, son expérience et sa réputation lui ont permis d'aller vraiment au bout du monde. On aurait aimé en savoir plus sur la logistique mais c'est sûrement aussi cette part de mystère qui fait de Salgado un aventurier et l'un des plus grands témoins de l'histoire de l'humanité.

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Sebastiao Salgado - Genesis - Natural History Museum - London