Illuminations - L'Espal - Le Mans - 06/11/2013

Il y a de ces spectacle qui vous prennent à la gorge d'entrée. Ce ne sont pas les ouvreuses habituelles qui gardent notre coupon de ticket mais un comédien. Celui-ci s'embrouille déjà avec un jeune récalcitrant. Puis, nous ne pouvons rejoindre les premiers fauteuils traditionnellement posés près de la scène. Au contraire, celle-ci s'avance et invite le public à l'investir et se coller devant la pyramide d'écrans affichant des portraits de jeunes hommes des zones urbaines sensibles. On ne les appelait pas encore ainsi dans les années 1960 et le devinrent médiatiquement en 2005. Le temps de la pièce qui sera tout sauf long. Certains noms résonnent : les Pyramides, les Tarterets, la Grande Borne... Pour cette installation Terres arbitraires, l'artiste plasticien Nicolas Clauss a représenté les 1200 quartiers des 751 Z.U.S. dont le Val Fourré d'où sont issus les neufs artistes du soir. Tout commence par une embrouille déjà commencée avant le spectacle qui se termine sur un débordement de vigile... puis la salle, encore allumée, nous transporte en pleine guerre d'Algérie pour une scène de torture. Bien sûr, les corps ne souffrent pas mais les langues se délient. Et que cette langue est belle quand elle est maniée ainsi. Le propos entre terroristes et harkis est dure mais la voix portée est superbe même quand les cordes vocales s'accordent sur "fais moi du couscous chérie". Ce spectacle associe parfaitement sens des réalités et sens de la dérision. Au gré d'une nouvelle pirouette narrative, nous voilà transportés dans les années 1960-1970, celle de la grande vague d'immigration de travailleurs algériens en France, "de l'autre côté de la mer". Les comédiens se souviennent de la vie des générations précédentes, celle des foyers puis du regroupement familial. Le rythme s'impose au son cristallin d'une Gibson Les Paul et de cette tirade "Je me souviens" au beat rageur. La montée en puissance de cette pièce est absolument imparable pour nous ramener dans un passé plus proche. La retranscription des émeutes de 2005 est absolument magnifique : ces voix off de témoins, cette chorégraphie de capuchés dans un halo de fumée et lumière rouge... Et l'après ? Sans "pacte d'avenir" pour ces territoires, on se concentre sur des parcours individuels : celui du dealer qui finit en prison, celui du lycéen pro sympa qui aime la mécanique mais finit dans la restauration familiale, celui du travailleur qui sait trop bien ce qu'est la pénibilité et celui du jeune de Sciences Po qui fait carrière dans la politique dans le plus grand respect de l'islam. Grâce à cette œuvre singulière qui a marqué le festival off d'Avignon, Ahmed Madani a voulu nous faire connaître et comprendre les faces et facettes des immigrés. Ils peuvent galérer, ont la tchatche mais sont terriblement créatifs que ce soit avec leur costards de vigiles ou, sur l'écran, avec leurs maillots du PSG ! Ici c'est Mantes-la-Jolie !




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